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— Quel bonheur d’avoir de l’argent !

Tist Zwickboor était à son établi, rabotant et sifflant, quand M. Muller entra dans la petite chambre noire et enfumée qui lui servait d’atelier ; — et un pauvre jour gris tombait par l’étroite fenêtre vitrée de carreaux vert-bouteille.

— Tist Zwickboor ? demanda M. Muller.

— C’est moi, dit un petit homme grêle et maigre, à cheveux plats. Qu’est-ce qu’il y a pour vous servir ?

— Je viens payer le cercueil de madame Bril.

— C’est payé, dit Tist.

— Comment est-il possible que ce soit payé, puisque voici l’argent ?

— C’est payé, même qu’il y avait pour six francs de gros sous.

M. Muller partit furieux, en disant :

— Ce gueux de Lamy ! Je suis volé.

Il alla ensuite chez M. le curé et dit qu’il venait régler les absoutes.

— C’est payé, dit l’ecclésiastique.

M. Muller s’imagina que celui-ci n’avait pas compris.

— Pardon, monsieur le curé, il s’agit de madame Bril, et pas d’une autre.

— Mais, sans doute, parfaitement ; c’est payé.

M. Muller se remit en route.

— Me voilà bien maintenant, pensait-il, ils ont tout payé.

Et il entra dans une grande colère.

Le soir, quand M. Lamy arriva, M. Muller, qui avait boudé toute la journée, lui dit à brûle-pourpoint :

— Lamy, venez un peu par ici ; j’ai quelque chose à vous dire.