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si bien faits, si bons à manger, les joues roses, tout droits contre la vitrine, puis encore les pipes, les cigares, les chiens de chocolat, et surtout les petits enfants bien habillés, avec des manchons, des mitaines, des fourrures et des souliers de peau, qui, dans la boutique, montraient du doigt à leurs mamans et à leurs papas ce qu’ils convoitaient de posséder.

Et l’on entendait battre les portes des magasins, les timbres vibrer et les sonnettes carillonner ; les boutiquiers régulièrement, la bouche fendue d’un rire, remerciaient d’un « À vos ordres, monsieur ; » ou : À vous revoir, madame, je me recommande. » Les gros sous et les pièces blanches tombaient dans les tiroirs avec un petit bruit clair ; dans les caves les mitrons boulangeaient avec rage ; et le long des comptoirs les gens piétinaient, commandaient, marchandaient.

Au dehors les voitures des riches bourgeois passaient menées grand trot par des cochers fourrés comme des singes, et à la file sautillaient çà et là de maigres chevaux de fiacres exténués. Des gamins soufflaient dans des trompettes, battaient du tambour, jouaient de l’harmonica. Derrière les volets clos des maisons, sous des lampes bien claires, les petits enfants se roulaient par terre en montrant leurs gentils derrières roses. Et des grands-pères couraient, portant des paquets sous le bras, les amis se souhaitaient la bonne année, une grande fumée rouge sortait des estaminets, des soldats battaient les trottoirs en criant à tue-tête :

— Vive le roi !

Madame Lamy disait :

— On voit bien qu’ils ont fêté le nouvel an, ceux-là.

Et M. Lamy répondait :

— Oui, tout le monde a pris un petit verre de trop aujourd’hui, Thérèse, et les uns ont bu du punch, les