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primer à ce sujet mon désir formel. Je tiens essentiellement à ce que mes professeurs aient des sentiments distingués. Or, j’apprends, monsieur, que vous vous compromettez par des liaisons, oui je le dirai, par des liaisons inconvenantes. On vous a vu dans des meetings d’ouvriers, vous hantez le cabaret, en plein midi vous vous affichez avec des gens en blouse. Et puis, vous vous négligez extrêmement, votre extérieur manque de dignité, vous vous abandonnez à une incurie déplorable. Il faut avec moi de la tenue, monsieur. Hé !

Alors M. Muller sentit qu’il allait se fâcher. Ses grosses joues se gonflèrent et il enfonça son chapeau dans sa tête en disant :

— Tout cela est vrai, monsieur Scherpmes. J’ai l’honneur de vous saluer.

Dans la rue, il s’oublia à frapper les pavés du bout de son parapluie en gesticulant et en se parlant à lui-même, et les chiens aboyaient à ses talons.

— C’est trop fort. Mes pauvres deux cents francs ! Cet homme est stupide. Est-ce qu’on prend comme cela ses ressources à un pauvre diable ? Me voilà bien maintenant. Comment voulez-vous que j’en sorte ? Qui est-ce qui me donnera de quoi payer le médecin et le pharmacien ? Oui, qui ? J’ai bien fait de partir. Si j’étais resté, je crois que je l’aurais assommé. Assommé ! Avec ça que je n’aurais pas dû le faire ! Je suis une brute. Et il est père de famille ! Je souhaite que ses enfants… Non, je ne veux pas de mal à ses enfants. Les enfants n’ont rien à faire là dedans. Le pire, c’est qu’il recommencera avec un autre. J’aurais dû le prendre à la gorge et lui dire : Misérable, ce que tu fais là, le sais-tu ? c’est me voler, moi, c’est voler Jean, c’est le tuer, c’est nous mettre sur la paille ! Est-ce que je sais, moi, ce que j’aurais dû lui dire ? Il est