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macien, les oranges, le bouillon et le reste ? ce n’est pas lui, je suppose ! Me prendre mes deux pauvres cents francs ! Je voudrais bien voir comment il ferait à ma place. Est-ce que je n’avais pas le droit de compter là-dessus pour tout ce qui reste à payer ? Et l’heure qui n’avance pas ! J’irai lui parler après la classe ; je lui dirai : « Mon bon M. Scherpmes, vous, un père de famille, ayez pitié d’un orphelin. » Oui, je lui dirai tout : il faudra bien qu’il me les rende.


VIII


Au premier coup de la cloche qui sonnait midi, M. Muller plia ses livres, fourra pêle-mêle ses crayons et ses plumes dans son pupitre et dégringola les deux marches de sa chaise, son chapeau de travers sur sa tête, pendant que les élèves enjambaient les bancs en les frappant avec leurs talons, criaient, sifflaient et se jetaient leurs cahiers à la tête.

Un tremblement le prit quand il aperçut le sévère M. Scherpmes se promenant de long en large dans le vestibule à pilastres, où, sur des consoles de bois peint, régnaient les bustes en plâtre de Cicéron et de Démosthène. Il se mit à brosser très longuement son chapeau dans le vestiaire, en attendant que les derniers élèves fussent sortis ; mais son agitation était si grande qu’il brossa son chapeau à contre-poil, de sorte que la rare peluche qui y restait encore se hérissa toute raide.

Et quand il eut fait ce manège pendant quelque temps, il regarda du coin de l’œil et vit qu’il n’y avait plus que M. le directeur dans le vestibule. Alors il fut soudain très troublé, toussa dans le creux de sa main, mit son