Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au fond de la classe, près du tableau noir, des cartes de géographie et des planches d’histoire naturelle, se frottait le front, passait sa main sous son gilet pour tirer la chemise qui collait à son dos, posait son foulard sous son coude et commençait la leçon.

M. Muller faisait la seconde classe, celle des grands, et enseignait l’histoire générale, la géographie, les mathématiques, la botanique, la chimie, la physique, l’astronomie et le français.

À midi, il sortait pendant une heure, courait chez lui se rafraîchir la tête et les mains, achetait deux petits pains beurrés et les mangeait au cabaret, en buvant un verre de faro sur un bout de journal qu’il lisait très attentivement.

Puis il rentrait à la pension et y demeurait jusqu’à trois heures, après quoi il avait fini : il ne lui restait plus qu’à examiner les devoirs de ses élèves et à marquer à l’encre rouge les bien, très bien, assez bien, satisfaisant, peu satisfaisant, ou les à recommencer, selon que les devoirs étaient bons ou mauvais.

M. le professeur Muller était la meilleure pâte de professeur qu’on eût jamais vue, bien qu’un peu vif ; mais il criait beaucoup, piétinait dans sa chaire, se mettait droit sur ses petites jambes, roulait derrière ses lunettes de gros yeux terribles, disait qu’il mettrait toute la classe en retenue le dimanche, et n’en faisait rien, le dimanche venu. Aussi s’amusait-on beaucoup à son cours : l’un ou l’autre élève avait toujours ses mains sous le pupitre et y confectionnait des boules de papier mâché, ou bien y pinçait la queue d’un hanneton. M. Muller se soulevait alors sur ses deux poings, descendait de la chaire, l’œil braqué sur le pupitre, et disait :

— Élève un tel, montrez vos mains.