Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous atteignîmes l’issue du bourg.

Sur la place, devant le château changé en lazaret, plusieurs voitures d’ambulances stationnaient.

On descendait les blessés.

Les voitures étaient de différentes sortes : les unes, simples chariots remplis de paille, servaient aux moins grièvement blessés ; les autres, grands caissons suspendus sur ressorts et divisés en compartiments qui ressemblaient assez aux tiroirs des cabines de navires, recevaient les malheureux qu’on avait déjà amputés ou que des blessures graves ne permettaient pas d’exposer aux cahots des chariots.

Soldats, infirmiers et médecins supportaient sur leurs épaules et leurs bras tendus les corps mutilés qu’on relevait un à un, au milieu des hurlements et des lamentations, du fond de la paille sanglante.

On les mettait ensuite sur des brancards.

Je suivais des yeux par la grande porte du lazaret, la sinistre procession des blessés tordant leurs moignons et des porteurs courbés sous les bricoles. Lentement les groupes décroissaient dans la vaste cour, masses noires et