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retournerez aux champs, et le soir, quand vous serez rentrés dans vos fermes, vous pourrez chanter gaiement sans craindre qu’on vous prenne encore vos fils pour en faire des soldats. Mais n’allez plus vous mettre un empereur dans les jambes, ni un roi, ni un prince, ni personne. Levez tous la tête et dites-vous ; c’est nous à présent qui sommes les rois.

— Serons-nous plus heureux avec la République ? nous disaient-ils mélancoliquement.

Et nous répondions :

— La République, amis, c’est la mère couveuse qui étend ses ailes sur les petits et les gros, les forts et les humbles, sans distinction, et qui donne à tous un peu de ses plumes pour que personne n’ait froid.

— Et qui nous conduira ?

— Vous-mêmes et cela vaut mieux, car les empereurs vous conduisent à Sedan et vous escamotent l’honneur et les sous. Vous êtes d’honnêtes gens, vous. Est-ce que vous voudriez, au prix de cent et de deux cents et de cinq cents hectares, livrer à vos ennemis le sol où vous êtes nés, où sont nés vos enfants ? Non, n’est-ce pas ?