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battant l’air. Dans le lointain des tambours sonnaient, des claironnements de trompettes partaient on ne sait d’où. Un cliquetis de sabres frappait le pavé ; les baguettes chantaient dans les fusils ; les crosses claquaient ; on s’appelait d’un bout de la rue à l’autre bout ; et partout des képis bouchaient les lucarnes.

Tout ce monde piaillait, se chamaillait, chantait, beuglait, se démenait, était hilare. Des hercules luttaient à qui lèverait les plus gros poids ; c’étaient des tonnerres de huées quand, après avoir essayé, rouge, les joues gonflées, l’œil hors de tête, baigné de sueur, quelqu’un laissait retomber les poids.

Des chiens passaient à travers les groupes en jappant lamentablement, une casserole à la queue. Un porc s’étant évadé de son trou, trois soldats se mirent à sa poursuite, mais le porc, avec sa culotte gluante, leur glissait toujours des mains, et l’un d’eux s’étala sur son séant. Alors ce fut un pourchas : le porc trottait éperdu, tête basse, oreilles gigottantes, en grognant ; les uns lui allongeaient des bourrées de coups de pieds dans le ventre ; les autres lui fracassaient les reins avec des pierres, ou lui martelaient