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guère et il se mit à lire avidement le graisseux imprimé en passant à tout bout de champ la main sur le papier pour l’aplatir et ne perdre aucune lettre.

En moins de cinq minutes un groupe considérable se forma autour de nous. Chacun demandait à voir. Quelqu’un alors se mit à lire tout haut. On n’entendait plus que le froissement des cigarettes sous la lèvre des fumeurs et le ronflement d’un soldat prussien qui dormait dans un coin. Quand la porte s’ouvrait, tout le monde à la fois criait : chut ! et l’on empêchait les garçons de marcher.

Nous jouissions avec une vraie émotion de la joie que causaient nos journaux, regrettant seulement de n’en avoir pas emporté davantage.

— Voilà la première soirée où je ne me sente pas l’envie de me brûler la cervelle, me dit le colonel en me remettant les journaux.

— Eh bien ! gardez-les, colonel, en mémoire de la soirée, répondis-je.

— Ah ! merci ! je passerai la nuit à les relire.