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Par moments un cheval, détaché de son piquet, entrait dans le cercle des feux, profilant par terre une grande silhouette noire, et allongeait sous les charrettes son cou maigre. Un des hommes lui jetait alors de la terre ou un tison dans les flancs et l’animal effrayé partait en ruant.

Puis encore, des huttes en paille recouvraient des hommes couchés sur le ventre ou ramassés les genoux sous le menton, la plupart bâillant ou ronflant. Quelquefois un fiévreux passait en courant, hâve et maigre, les dents claquantes. Un petit soldat blond, presque un enfant, blotti dans des torchons qui fumaient près d’un feu, leva vers nous des yeux blancs : un tremblement continuel agitait les haillons qu’il avait roulés autour de lui et communiquait à la roue d’un chariot auquel il s’était appuyé une trépidation insupportable à voir.

Et des armes scintillaient partout dans l’ombre. Ces points luisants, accrochés, au hasard des feux, d’aigrettes rouges, jaunes et bleues, piquaient surtout l’obscurité quand des soldats, porteurs de torches ou de lanternes, venaient