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dans la ferme. La lune était entrée la nuit dans sa chambre et s’était noyée au fond du pot. En semble, avec son frérot, une fois ils iraient dire bonjour au bon Dieu dans son paradis.

Monsieur s’amusait de ces fables ridicules et lui tirait l’oreille en disant :

— Toi, tu es la bête de la famille !

Elle avait l’esprit chimérique des êtres qui vivent dans un mystère. La vie réelle ne l’approchait qu’à travers un jeu d’ombres et de lumières. Leur petite enfance à elle et Michel s’était passée à rôder par les escaliers, les corridors, les greniers et les souterrains. Tous deux avaient connu là des effrois recroquevillés, la chair de poule aux membres, croyant voir surgir des spectres, entendant gémir des âmes captives dans les murs, lui, tout petit, blotti dans sa poitrine plate de fillette. La Guilleminette par là-dessus, leur contant des histoires de loups-garous, ils croyaient voir lumeroler des trous d’yeux rouges dans les recoins. Des innombrables chambres inoccupées qui étaient les alvéoles de l’ancienne ruche, presque toutes avaient leur légende, qui se rapportait à des naissances, à des amours et à des morts. Dans une des tours d’angle il y avait la chambre que l’on appelait la Chambre du sang, à cause d’une grande tache rouge qui ne s’en était jamais allée. Barbe toujours s’était re-