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l’hallali

Ce fut l’unique roman de cette existence qui n’était faite ni pour l’amour ni pour le monde. Elle alla s’enterrer dans le déclin de Pont-à-Leu, aux côtés d’un mari taciturne sur qui pesait la grande main paternelle et qui, avec la ferveur d’un acte de foi, sembla ne l’avoir reçue dans son lit que pour se conformer à la loi divine en leur faisant à tous deux une postérité. Elle eut neuf enfants : six, rongés d’un mal sourd, s’en allèrent à mesure se décomposer sous les tertres du cimetière, confondus avec la pourriture des rustres, la dernière place dans l’altière sépulture des Quevauquant, adossée à l’église ayant été réservée pour le maître en qui virtuellement devait un jour finir la race. Sa maternité indolente pour les trois enfants qui survécurent s’égala à la nuance d’attachement négligent qu’elle eut pour Jean-Norbert lui-même. Sans goût du ménage, ignorante des devoirs d’une maison non moins que des travaux de la terre, l’esprit occupé de dévotion, elle assista aux dernières flambées du couchant des Quevauquant et vit s’abaisser l’ombre des tours sur le domaine dévasté, n’ayant pas même soupçonné la loi obscure qui du fils des gentilshommes tombé à la condition d’un simple paysan faisait le noir ouvrier préposé à un dessein mystérieux. Elle lui était simplement soumise comme à l’une des