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l’hallali

lité déjà si précaire de la famille. Une rente viagère d’un millier de francs que lui servait M. de Guerlong, grand financier allié par les écus aux Quevauquant, paraissait pouvoir suffire à sa dépense dans les moments où son moût de folie ne fermentait pas.

Or, justement, une après-midi, deux semaines après la querelle, le clerc du tabellion chargé de lui apporter ses trimestres arriva au château. On chercha partout Monsieur ; personne ne l’avait vu. Comme le clerc avait dû abattre pédestrement les quinze kilomètres qui séparaient Pont-à-Leu de la gare, il écouta Jean-Norbert qui s’offrait à percevoir la somme. Pour toute écriture, le paysan savait à peu près lisiblement tracer son nom ; il empoigna gauchement la plume et signa l’acquit que préalablement avait rédigé le clerc. Celui-ci parti, il enferma l’argent dans le tiroir d’un bahut ; il ne semblait pas avoir d’autre idée.

Il partit ensuite aider Jumasse qui, monté dans un pommier, depuis le midi vaquait à la cueillette des dernières pommes d’hiver. C’était un bon temps clair et frais, avec des embellies de soleil. Jumasse à mesure descendait avec une corde les corbeilles remplies, puis les vidait dans les sacs. Le verger était spacieux, mais pourri comme le bois de chêne ; en dix ans, par lésine, on avait