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l’hallali

maintenant mangez-vous le nez si vous voulez, j’aurai fait mon devoir.

Barbe, tranquillement, prenait son lait du matin dans la petite pièce où Micheline, la mère de Jean-Norbert, avait passé une partie de sa vie et qui aujourd’hui servait encore d’ouvroir aux femmes. De saisissement elle renversa son bol sur le jeu de cartes qui ne la quittait jamais, et, tout apeurée aux éclats de la voix qui emplissait les chambres, elle appela :

— Sybille ! Sybille !

Haute et noire, les yeux et le nez brusques de l’aïeul, un duvet ombrant le coin de la bouche, celle-ci apparut au seuil d’une des portes tandis que le curé, toujours poussant Monsieur devant lui, entrait par une autre.

À vingt-neuf ans, sa beauté commençait à passer ; la bouche avait pris un pli dur et droit comme un barreau murant cette âme énergique et solitaire. Le baron lui-même disait qu’elle avait été vraiment couvée dans le nid des gerfauts. Dame Barbe étant une Lanquesaing, on l’appelait dans cette famille, de moindre noblesse, une amazone, par allusion ironique au blason des Quevauquant. L’âme des grandes femmes de la lignée s’était aigrie en elle.

— Ah ! mes chères paroissiennes, soufflait d’une haleine le curé, si vous saviez quel cœur