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l’hallali

Soudain s’éraillait par les cours la sonnerie d’une trompe de chasse. Le cuivre, embouché d’un souffle nerveux, sonnait par reprises rauques l’hallali. Dans la mort de Pont-à-Leu, ce fut comme un écho illustre venu de par delà les âges.

Jean-Norbert tressaillit.

— Not’ pasteur, dit-il, y a eun histoire dans la famille. Hugues-Césaire, mon trisaïeul, étant devenu très vieux, se fit une fois porter jusqu’au perron et là, avec sa trompe, trois fois il sonna l’hallali. À la troisième fois, ce fut la mort qui arriva. Depuis on dit qu’à chaque fois qu’un seigneur de Quevauquant va mourir, l’hallali sonne trois fois.

De nouveau, la trompe éclatait, brusque et saccadée. Ils débouchèrent et aperçurent le Vieux en culotte de peau et jaquette de chasse, planté sur le perron et embouchant le cuivre haut vers le ciel. Noueux et sec, très long, droit sous l’or et l’écarlate déteints, sa casquette de velours en tête, il ressemblait à une apparition surgie des temps et qui dominait la fortune et le monde. Monsieur, le nez rostré et les yeux durs enfoncés sous les paupières, tenait de la race le grand visage de cheval qui semblait, chez les Quevauquant, évoquer la bête héraldique de leurs armoiries, l’étalon rué autour de qui banderolait,