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l’hallali

débarras après tout. Barbe, soir et matin, en priant, ajoutait son nom à la litanie des âmes pour lesquelles elle intercédait. Un peu de terre sur ses quatre planches l’avait reculée si avant dans l’oubli que personne ne pensait plus à elle. Michel seul savait bien qu’elle n’était plus là : il n’aimait plus lire et languissait. Guilleminette, une fois, s’en ouvrit à Jumasse.

— Veux-tu que j’te dise, l’homme ? J’ai mauvaise idée. Tout arrive à malheur dans not’maison depuis y a beau jour. Not’ dame n’voit plus que des morts dans les cartes. Ça a d’abord été not’ Jaja avec le petit qui lui était sorti tout bleu comme un fruit. Et, pour ce qui est de son frérot, dame ! c’est un oiseau pour le chat, ou je n’suis point la Guilleminette.

Miche] n’osant plus dormir seul dans la pièce où si longtemps il avait eu son lit près du grabat de Jaja, Barbe avait fait déblayer un refuge qui joignait sa chambre : Jumasse y avait porté les matelas. Mais l’enfant toujours s’agitait, pleurait, se réveillait en appelant sa sœur morte.

— Dis un chapelet, mon fî, lui conseillait Barbe. Ça te passera.

À neuf heures, Jean-Norbert souffla la lampe. De toute la soirée, son asthme ne l’avait pas quitté : ce fut Jumasse qui dut dire les prières ;