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l’hallali

selon son âge, au jeu du bon Dieu. Sans Michel, elle fût allée vivre comme le hérisson dans les bois. Et, de même que par le passé, le frérot lui lisait de belles histoires.

Un soir, à la lampe, comme il lui disait le conte de Cendrillon, elle se mit à pleurer d’une grosse douleur, les poings dans les yeux, s’étant reconnue dans la triste aventure. Sybille en ce moment entra dans la chambre et arracha le volume des mains de Michel, ne voulant pas qu’elle connût la suite de l’histoire.

Maintenait elle l’obligeait à coucher seule dans une vaste pièce qui avait été autrefois la Chambre des comptes. Avec l’envie tout à la fois et le dégoût de son péché, elle aurait cru Michel en perdition dans l’odeur d’amour qu’elle portait sur elle. Jaja eut ainsi là sur le carreau un grabat de hale d’avoine, toute morte de peur au froid velu des rats qui lui mordaient les pieds sous la couverture. Mais simplette et soumise, elle acceptait cela comme elle avait accepté les rebuffades, les coups et le pain sec.

Il arriva que dans la nuit, Michel vint gratter à sa porte sitôt qu’il eut entendu le souffle égal de Sybille à travers le mur. Lui, si tremblant à la moindre alerte, il avait trouvé le courage de se faufiler à pieds nus, tout grelottant, dans le noir des couloirs, au risque de tomber sur le