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l’hallali

ment, sans impatience s’il n’arrivait pas tout de suite. Au soleil frisquet, le bel été de la Saint-Michel bruissait entre les feuilles. À terre, traînaient des flaques de lumière vermeille que le vent remuait. Sur les troncs ricochaient des palets d’or. Vers le soir, tout le bois s’enflammait. On était heureux ; et ils demeuraient là, se caressant sous le ciel, se mangeant de goulées, tombant où il y avait place pour leurs lutineries d’amour. Ils ne se cachaient pas même des gens qui passaient, riant s’ils les voyaient rire, tous deux les joues caves, maigres comme des petits loups d’hiver.

Il tomba des pluies ; les geais bataillèrent dans les cimes dénudées. Ils durent chercher des abris. Quelquefois, Pierre du marchand la rejoignait dans le fenil, la grange ou l’étable. Au chaud du foin et de la paille, dans une odeur d’anciennes moissons, ils avaient des plaisirs de petit ménage au lit. Quand il lui prenait ses seins de fillette, aigus et courts comme des citrons, elle fermait les yeux, toute tendue, la bouche crispée comme si par avance, elle goûtait une joie de paradis. Et puis, elle poussait son petit cri de bête : lui, alors, riait, cruel et doux.

Il arrivait qu’elle ne pouvait pas toujours dépister la vigilance de Sybille. Celle-ci, l’ayant mise à la couture, elle était bien obligée de de-