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rait eu qu’à me dire : « Monsieur Lechat, cela ne se peut pas, » j’aurais compris, mais elle m’a méprisé ; même qu’elle a refusé d’emporter le fusil. » Voilà ce qu’il disait ce monsieur Lechat. C’est un homme qui parle bien. Et comme ça, nous voilà quasi-brouillés ; et toi, not’ fille, par ta faute tu as brisé ta vie.

— Laissons cela, ma mère. Il se passe ici de bien autres choses.

— Pour ce qui est de ça, tu as raison, ma fille. S’il n’y avait pas ici une tête comme la tienne, jamais on n’y pourrait résister. Ah ! bon Dieu de bon Dieu, non !

Jaja se faufila : elle arrivait du bois, transie, les cheveux en cardées, toute l’odeur froide du soir dans ses loques. Elle se blottit aussitôt dans l’âtre, près de Michel qui lisait : elle comptait si peu dans la maison que personne n’eut l’air de se douter qu’elle n’était pas rentrée de toute la journée. Un peu farouche, elle n’osait regarder ni son père ni sa mère ni Sybille. Mais celle-ci tout à coup disait :

— Aide-moi à mettre la table plutôt que d’être là à rien faire, fainéante.

Jaja décroisa les jambes et docilement apporta les assiettes. Mais Sybille, rôdant autour d’elle et la flairant :

— C’est toi qu’étais tout à l’heure dans le taillis ?