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où une après-midi Pierre l’avait surprise était tout près ; le rude cœur volontaire de Sybille soudain défaillit ; elle s’y laissa tomber, sanglotante, la tête dans les poings. Sa vie repassa, sa pauvre vie ravalée que Léonce autrefois avait méprisée et à laquelle Lechat, en la traitant comme une égale, lui, l’ancien domestique, avait fait le pire affront. Par deux fois, elle avait, comme une chose au poids, été mise en balance avec l’argent.

La race, l’honneur, dans l’orgueil et la colère de cette minute mortelle, affreusement saignèrent. Elle se vit un peu moins qu’une de ces filles de paysan qui, au village, n’étaient jamais en peine de trouver mari à leur aune. Celles-là, le sang pouvait bien les tourmenter, elles finissaient tout de même, si humblement qu’elles s’adonnassent aux besognes de la terre et de la maison, par devenir des femmes et des mères. Mais son sang à elle, son sang brûlant de fille noire requérait l’amour et à la fois la défendait contre lui puisque ce sang était celui d’une Quevauquant… Jusqu’au bout, son flanc se torturerait inapaisé ; elle ne connaîtrait ni la caresse de la main de l’homme, ni le baiser d’une bouche d’enfant. Ah ! l’horreur de cette maison en ruines où son père trimait comme le dernier des valets de labour, où comme le remords vivant d’une