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idées aussi nettes. Il se trouva dans la cuisine sans y avoir réfléchi : le fusil de nouveau pendait à son clou ; et il ne regardait pas du côté du fusil, sachant bien, qu’il était là et qu’il n’aurait eu qu’à le dépendre et que l’arme était chargée. Mais justement, au-dessus de la vieille canardière, il y avait aussi un crucifix, celui qu’on avait mis sur la table entre les cierges, quand sa mère était morte. Et comme il levait les yeux vers le Seigneur mort sur la croix, il aperçut en même temps le fusil. Il s’entendit faire deux pas vers la cheminée ; les clous de ses grosses semelles raclaient la dalle. Alors, à l’idée qu’une fois le fusil décroché, il n’aurait plus eu qu’à monter au grenier, tout son corps se mit à trembler.

— Hé ! not’ maître ! c’est un homme qu’est là pour les pommes ! cria Jumasse du dehors.

Il se reprit, but un grand pot d’eau et s’en alla au verger. L’homme offrait un prix pour dix arbres de pommes douces. Jean-Norbert, qui ne cessait pas de regarder du côté des toits du château, accepta sans marchander, la tête partie, mâchonnant entre ses dents des mots vagues qui s’adressaient au baron. Le marchand lui-même s’étonna qu’avec son âpreté au gain, il eût accepté le marché.

— Tope ! fit-il. J’viendrai demain avec ma femme et mes sacs. Y en a pas une comme