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l’hallali

même ne cessa pas d’être la bonne servante soumise qui reprisait le linge, venait en aide à la domesticité et soulignait de sa petite ombre le déclin magnifique d’une grande maison.

Jean-Norbert, à quinze ans, vit vendre le chenil, diminuer le nombre des valais et s’accourcir le domaine. Quelquefois un des marmenteaux tout entier tombait sous l’assaut du bûcheron, faisant un grand trou noir dans le déroulement vert des futaies. Comme on jette une bûche dans l’âtre, les arbres, les champs les métairies, les champeaux, hypothéqués, sur-hypothéqués et finalement vendus, à mesure alimentaient le feu de joie de cette perpétuelle fête de la Saint-Jean où l’on mettait flamber, selon le besoin, des parts entières du domaine.

Un vent de démence souffla furieusement : le baron ne pensa plus qu’à se créer des ressources par tous les moyens que lui mettaient aux mains les restes d’une vaste fortune terrienne. Elle se morcela, paya des emprunts, combla des créances. Le paysan, enrichi par la fraude, le dol, les cessions à vil prix, quelquefois repassait au baron, moyennant des taux usuraires, l’argent du bien happé à coups de dents. Un valet adroit élevé à la condition d’intendant et dans lequel le maître de Pont-à-Leu avait mis sa confiance, put ainsi lui faire un jour l’avance d’une trentaine de