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pied, mais restait enlizée de l’autre, et elle disait seulement :

— Frérot, prie pour moi le bon Dieu.

Tout à coup, à une petite distance, quelque chose sortait des roseaux et courait d’un galop de lièvre. C’était le fils du marchand de bois, qui, étant là à la guetter depuis plus d’une heure, arrivait aux cris. À peu près chaque jour, il se mettait à l’affût, sachant qu’elle viendrait. C’était une sensation confuse entre la haine et autre chose qui faisait claquer ses mâchoires comme un chien qui rêve. Il aurait aimé jouir de sa colère s’il s’était mis debout, en hurlant et agitant les bras, tandis que paisiblement, sous le grand ciel nu, elle faisait ses petites baignades, demi-nue. Et puis, cette envie lui passait et il ne songeait plus qu’à regarder clapoter ses bouts de jambes dans le marais. Jaja jamais ne s’était aperçue de rien.

Elle entendit un grand bruit d’eau. Le gas, en tournant sur ses hanches et fauchant circulairement l’air de ses bras, avançait, et elle ne bougeait plus, enfonçant toujours, les dents serrées comme une morte. À son tour, il eut un cri sauvage. Elle reconnut le mauvais gas et crut qu’il venait pour la noyer. Mais il ne la touchait pas et plongeait : elle sentit une main qui lui arrachait les herbes des jambes. Revenant presque aussitôt à la surface, les cheveux ruisselants et