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l’hallali

L’oncle prit sa tête à deux mains et se mit à la secouer avec énergie dans un sens qu’il était permis de prendre pour affirmatif.

— J’en étais certaine, fit-elle aussitôt, d’un visage impassible.

Elle se leva avec une dignité laborieuse, fit signe à son frère de la suivre et, raide comme une sainte de paroisse dans sa robe de faille à plis droits, elle quitta la pièce.

— Allons-nous-en, ma mère. Il ne convient pas que nous restions une seconde de plus dans cette maison ! dit alors Sybille.

Mais Barbe criait, pleurait :

— Après tout, c’est notre sang, ce sont des Lanquesaing comme moi et toi. Ah ! bon Dieu de bon Dieu ! quel malheur !

Elle eut là une vraie incontinence de sensibilité. Sybille s’irrita et dut l’entraîner. Elle avait hâte de reprendre sa vie farouche de Pont-à-Leu. Elle s’en allait, le cœur mort, mais libre, pour avoir touché à la grande douleur de sa vie de jeune fille. Tout était bien fini, jamais plus elle n’aimerait. Elle demeurerait la vierge au sein coupé sous sa cuirasse de mépris et d’orgueil.

Il leur fallut regagner la gare à pied, Barbe, presque défaillante au bras de cette longue jeune femme qui portait si fièrement sa petite robe par places lustrée d’usure. Son gros bon cœur spon-