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l’hallali

enfants l’accompagnaient. Adélaïde ne se départit pas de sa correction habituelle ; elle parut le revoir après un mois d’absence et, sans laisser paraître d’émotion, partagea ses baisers entre lui, sa bru et les deux fillettes par tranches égales, comme un gâteau mangé en famille. Sybille remarqua que la femme de Léonce considérait avec dédain sa pauvre robe noire. Elle la prit aussitôt en haine.

Léonce, en apercevant Sybille, manifesta un plaisir réel : il lui prit les poignets et l’attira pour l’embrasser. Mais elle pâlit sous la chatouille de ses moustaches, tout son sang remonté au cœur. Il lui présenta ensuite sa femme, une Égyptienne de riche naissance, épousée là-bas : elle se tourmenta de n’avoir pas fui la veille, à l’arrivée du télégramme qui avait annoncé le retour de Léonce. Elle s’en voulut surtout de n’avoir pu résister à l’attrait secret que cette rencontre, après des années, eut pour elle.

Léonce avait gardé le joli air svelte de sa jeunesse ; il avait trois ans de plus que Sybille et ils s’étaient aimés. Du moins, Sybille s’était crue aimée de ce jeune homme brillant et léger. C’était le temps où elle sortait de pension : Barbe avait décidé de la laisser quelque temps dans la famille, chez une autre sœur, la tante Emmeline, excellente femme, morte depuis et qui, sans s’être