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choir ? Personne n’a vu mon mouchoir ? Je l’avais là tout à l’heure sur les genoux.

Des retours de petites choses identiques ponctuellement réglèrent leur vie. Une quiétude benoîte en résultait qui oignait l’apathie grasse de la bonne Barbe, mais bientôt exaspéra cette Sybille née dans le nid des aigles et qui se voyait là, emprisonnée derrière le treillis d’une cage à pinson. Il lui arrivait, pour échapper à la contrainte des tête-à-tête, de monter à sa chambre bâiller et s’étirer les bras, l’âme morte dans l’immense ennui de ce milieu béat et provincial. C’était là, du reste, une inconvenance que sa tante, d’un ton pincé, ne manquait pas de relever sitôt qu’elle était redescendue.

Sa sauvagerie de vieille fille, alors, regretta la maison des ombres et du silence, où du moins elle se sentait près de sa race, avec un pareil dédain de leur veule nobillonnerie qu’affectait le vieux seigneur de Pont-à-Leu. Elle eût fait un coup de tête sans un événement imprévu et redoutable qui paralysa pour un peu de temps toute sa volonté. L’aîné des fils de Mme  de Gransard, Léonce, son cousin germain, rentra du Caire, où il avait été chargé, comme ingénieur, de la construction d’une ligne de chemin de fer, deux semaines plus tôt qu’on ne l’attendait. Sa femme et ses deux