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l’hallali

tura ; le carrosse surtout, avec sa portière écussonnée, intérieurement feutré de drap gris matelassé, l’émerveilla. Il passa la tête et, tout d’une fois, d’une bottelée de foin dans le fond de la caisse, une autre tête sortait qui, sans un mouvement, se mit à ouvrir des yeux aigus de petite bête surprise. Ça ne semblait presque pas vivre d’abord, d’une immobilité de grande poupée, sous une crinière pâle d’étoupe, et pourtant ça dardait un étrange regard en vrille d’entre les sourcils plissés.

Lui, allongeant le cou, regardait cette chose, attiré par le point clair et fixe de l’œil dans le trou noir de l’ombre. Il redevint le petit coureur des taillis à l’affût d’une proie, poil ou plume, et qui les muscles bandés, savait attendre le moment voulu, sans un geste ni un pli au visage. Mais une chaleur de vie montant à la fin vers lui de dessous le tas de foin, il lui passa tout à coup une convoitise dans la prunelle. Ses narines battirent.

La petite tête d’étoupe enfin remuait les yeux, toute froncée, comme faisant un effort pour se rappeler, et elle aussi maintenant riait de ses lèvres longues.

— J’sais qui que t’es. Une fois t’étais derrière une haie, et tu nous as jeté des pierres, à mon frérot et à moi. Dis-voir si c’est point vrai.