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l’hallali

put battre les cours en tous sens sans trouver à qui parler. La ruine dormant au petit soleil frisquet, dans le silence et l’abandon, comme un grand corps sans âme, son goût de la rôde et du guet alors s’éveilla. Il poussa des portes, pénétra dans les dépendances, monta aux greniers. Un coq, qui claironnait auprès de la ponte d’une de ses poules, le guida vers la basse-cour ; il trouva dans un nichet de paille six œufs qu’il goba. Gourmand et paresseux, il eût aimé battre, au chaud de la grange, une de ces flemmes, que l’été, dans la chaleur des après-midi, il prolongeait sur la mousse des bois. Mais la porte des remises était restée entr’ouverte et laissait voir dans l’ombre une apparence confuse de carrosserie démodée. Furtivement il se coula comme il fût entré marauder dans un verger, comme il se fût glissé par les issues d’une rabouillère. Il aperçut la vieille berline de voyage recourbée en carène, une caisse de cabriolet de guingois sur une seule roue, le col de cygne d’un traîneau défoncé et sur ses quatre puissants essieux, la carcasse demi-brûlée du carrosse qui avait servi aux galas de Pont-à-Leu. Une filée de soleil, venue par l’entre-bâillemenl du battant, envermeillait, entre les murs poudrés de salpêtre, les pénombres humides.

Amusé par tout ce faste désuet, le gars s’aven-