Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
l’hallali

— Non, je te le laisse, fit Monsieur, non sans quelque estime pour lui.

Une après-midi, un domestique amena au château, de la part du petit homme, un énorme chien danois qu’il tenait en laisse. La bête était rude de poil, fortement dentée, les cuisses pleines et câblées. Le baron aussitôt s’occupa de lui aménager une niche en abattant les deux portes de l’ancienne chambre des archives, dans la tour de l’est : elles étaient l’œuvre d’un artiste liégeois du xviiie siècle qui les avait fleuries d’élégantes moulures.

Jean-Norbert, d’en bas, l’entendant scier, se prit la tête à deux mains et cria :

— Sang de bon Dieu ! C’est-y pas une honte ? Y cassera tout. Y n’restera pus rien. S’y pouvait seulement s’couper le poignet avec sa hache.

En sciant, rabotant, clouant, Monsieur parvint à construire une guérite qu’il accota au mur et qui fut la demeure de Donder. Il voulut faire lui-même sa litière et préparer ses aliments, une sorte de pain fibreux que le messager dut rapporter de la ville. La bête, d’appétit vaste, engloutissait la pâture et menaçait de dévorer son abri.

Au bout de la seconde semaine, elle se mit à languir, les yeux bas, évacuant des selles molles et sanglantes. Le baron fit venir le vétéri-