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l’hallali

sur le cœur. Rappelle-toi le médecin… Il a dit que tu avais trop de sang et que tu es trop muet. Tu es comme une poule qu’a avalé un caillou. Allons pousse, mon homme, comme ça.

Elle-même, les veines du front tendues, imitait l’effort d’une personne en mal de digestion.

— Comme ça, comme ça, mon homme. Pousse un petit coup, je te dis.

Il finissait par céder à ses invites et, les joues écarquées, il émettait des sons gutturaux comme une bête étranglée.

— Bon, bon ! ça vient, mon gros, ne te gêne pas s’il vient autre chose. Vois-tu, c’est ce sang. Pousse un bon coup, je le dis. Ah ! ah !

Les sons se pressèrent et devinrent des injures, des menaces, qu’avec le tremblement rauque de sa voix, il adressait à quelqu’un d’invisible.

— Va toujours ! Il n’y a que moi, ne te gêne pas. Je dirai une prière par après au bon Dieu qui le pardonnera. Canaille ! que tu dis… C’est ça, canaille, canaille, canaille…

Il pensa sortir d’un rêve ; du revers de sa main, il étanchait la sueur glacée de son front, et maintenant il éructait coup sur coup, l’estomac retourné par son coup de colère.

— Ah ! ah ! ça va mieux. Je crois ben que c’est fini, ma bonne femme, mais tout de même, hein, si ça ne crie pas vengeance au ciel !