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par surcroît dix poidardes et six dindes que Gérômet, le maçon, un des bâtards légitimes, avait commencé d’engraisser pour Noël. Ce fut un festin. Le baron y convia Gédéon, le fils du fermier des Panchies, Putois, Landrien et Falagne qui tous les cinq passaient aussi pour être ses fils. On s’entonna de cidre et de piquette en si grande quantité qu’au bout de quelques heures, tout le monde fut dans les brindes. À coups de bottes, dans le tas, Monsieur quelquefois obligeait à se relever ceux qui glissaient sous la table. Quant à lui, droit dans l’ivresse qui tapait les autres aux tempes, il goûtait l’orgueil ironique de se retrouver là près d’une part vivante de son hérédité. Il voulut coucher sur le champ de bataille et fit descendre un matelas dont on recouvrit deux tables aboutées.

Levé à l’aube, selon la coutume, il réveilla la maison et déclara que ce jour-là, il y aurait table ouverte pour les trimardeurs, bribeux et autres coureurs de grand’routes. La nouvelle aussitôt ayant volé par le pays, il en vint par bandes, qui s’abattirent sur la bâfre comme la misère du monde. Camus les gorgea d’aliments et de boisson, il ne finissait pas d’apporter de pleines cruches de cidre. Monsieur, lui, en goûtait une lampée et, d’une voix de carme, dégoisait :

— Buvez, chenapans : c’est jour de frairie et