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ses jupons : tous deux ne quittaient plus l’âtre où fusait, sans chauffer, le chablis des derniers coups de vent. Sybille seule, avec sa flamme de vie sèche, résistait aux frimas qui à tous leur fendaient la peau de larges crevasses. Quant au Vieux, comme au cœur de l’été, il sortait, sitôt le jour levé, plongeait dans l’étang et faisait son tour de battue. On savait qu’il était rentré quand on l’entendait scier son bois, une souche morte, un châssis de fenêtre, ou une porte. À chacune qui s’en allait, c’était pour Jean-Norbert comme si la scie lui raclait les os.

Le colporteur ayant passé peu de temps après la vente des porcs, le paysan avait enfin consenti à les laisser se remonter en flanelles et en lainages. Tandis qu’à la veillée sous la lampe, Sibylle travaillait à en faire des jupes et des camisoles, Michel, dans les genoux de Barbe roupillante, lisait à haute voix les récits d’aventures et de voyages que lui apportait le messager, de la part de son ami, le bon maître d’école. À cause de l’intempérie, il n’allait plus au village.

Le front crispé jusqu’à la douleur par l’intérêt qu’il prenait au livre, il le tenait rapproché de son visage comme une chose vivante dont le souffle et la caresse lui passaient sur la peau, tout froid d’affres parfois et le cœur si grelottant qu’il devait s’arrêter. Jaja, près de lui,