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l’hallali


XI


L’hiver durement pesa sur la famille, bloquée dans la ruine morne. Personne ne passant plus par les routes, ils vivaient là tout seuls, perdus dans la grande lande morte, les femmes cousant, Barbe se tirant les cartes, le père et Jumasse, dans l’âtre de la cuisine, tressant des paniers, taillant des manches de bêche, battant les outils sur l’enclumette. Trois fois le jour seulement, à l’heure de la pâture des bêtes, un choc de sabots talonnait dans le silence des cours. C’était le valet qui s’en venait verser dans l’auge la bouillie des porcs, en place du petit porcher retourné chez lui jusqu’à la saison du glanage.

La bise soufflant en tempête dans les chambres, on avait dû calfeutrer avec du papier et des hardes roulées en boudin les joints des fenêtres et les trous des vitres. Mais malgré tout le froid les gelait ; Barbe, pelotonnée dans ses fourrures épilées, réchauffait Jaja et Michel en boule sous