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l’hallali

blait entendre secouer le bahut dans l’ouvroir. Sûrement, quelque chose se passait dans la maison, sans qu’il leur fût possible de dire si c’était l’homme ou leur père qui faisait ce bruit. Un accès d’asthme s’étouffa près de leur porte, s’en fonçant vers l’extrémité du couloir, et tout d’une fois, dans le grand trou noir de la nuit, une voix cria :

— Vaurien ! Brigand ! Fripon ! Je te dis que tu l’as caché là. Ouvre le tiroir ou je casse tout. C’est ta femme qui me l’a dit.

Une autre voix, celle de leur père, alors pleurait, suppliait. Et entre eux, toujours collés l’un à l’autre dans le petit lit, ils tâchaient de deviner ce qui se passait. Sans doute, c’était le pas du grand-père qu’ils avaient entendu par l’escalier ; leur père aussi l’avait entendu et s’était levé, et voilà, ils s’étaient trouvés nez à nez devant le bahut.

— J’ai point d’argent ; je suis pauvre comme Job, criait le paysan. Vous savez bien qu’y a pas d’argent dans cette maison. Ah ! l’argent, qu’y qu’en aurait ? Pour sûr, pas nous ! Barbe n’a point tant seulement une jupe à se mettre sur la peau. Et les enfants vont à loques et à trous. Et pas même ed’ quoi acheter une vache… Y a beau temps que l’aut’ est périe !

Il parlait soudain d’abondance, par saccades,