Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rades d’Achille arrivèrent à leur tour, on les invita à prendre place autour du feu, dans la cuisine, pour rigoler tous ensemble. La ribaude avait eu d’abord l’intention de refiler chez elle à la tombée de la nuit ; mais, mise en train par la bonne humeur de la compagnie, elle déclara qu’elle coucherait au grenier sur une botte de paille. Son vieux sang de guenon lascive s’étant allumé au contact de tous ces hommes, elle les agaçait de l’œil, leur frottait aux épaules ses énormes mamelles, pincée çà et là aux mollets par les drilles qui l’appelaient la maman.

À minuit, la bande détala, à l’exception de Gaudot et d’un crocheteur baptisé du sobriquet : le Lapin, à cause de ses yeux rouges. Celui-là, en appétit de grosse viande, s’attardait, poussait la Félicité dans les coins, chuchotait à ses oreilles une offre salace. Mais elle lui montra Zéphirin, tout à fait ivre et qui dormait sur une table :

— Bonsoir. Ça sera pour eun’ aut’ fois.

Clarinette était demeurée dans la cuisine avec Gaudot, tous deux gênés, ne sachant à quel parti se résoudre. Lui parlait de s’en aller ; elle, au contraire, lui demandait de rester. La ribaude coupa court à leur indécision.

— Où qu’i n’ia d’ la gêne, i a pon d’ plaisir ! Faut ben qu’ jeunesse s’amuse. Boutez-moi seulement queuque chose pour dormir d’sus avec le garçon.

On réveilla un des locataires qui consentit à céder un de ses matelas ; Rinette donna une couverture ; puis la Félicité monta au grenier, poussant devant elle le fils à Cigognier dont la voix tout à coup dégringola à travers l’escalier, sacrant et rognonnant :

— D’abord que j’ai dit non, c’est non. J’ suis pas en train ; t’ avais qu’à faire monter le Lapin.