Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cabriolet. Il descendait à la Patte de Dindon deux fois le mois, y demeurait trois ou quatre jours, selon les circonstances.

— Dis donc, chéri, fit-elle tout à coup, la main dans ses cheveux bouclés de pommadin, j’suis à présent comme ta commère et j’sais cor pas comment c’est qu’ti t’appelles de ton petit nom. Dis, comment qu’c’est, ton petit nom ?

— Ernest, Nest, Nénest pour les dames, ma belle.

— Joli ! Huriaux lui, i s’nomme Jacques. Mais Nest, mon petit Nest, c’est ben plus môssieu. Ah ben oui !

Elle répétait ce nom, comme une musique, pâmée et néanmoins allouvie entre ces bras d’homme où elle venait de goûter une variété de plaisir. Et la joie orgueilleuse de sa chair maniée par un joli garçon déluré et gentil la remplissait de mépris pour les pandours dont elle avait été jusque là adorée.

— La fine peau que t’as là, sous les bras ! T’es blanc comme du poulet ! J’aurais jamais cru qu’un homme, ça pouvait être blanc comme toi !

Elle le mignotait, lui collait aux épaules, dans les tétins, sous la moustache, ses lèvres avides ; et constamment elle le démolissait de ses retours de rages. Après une folie plus rude que les autres et qui les rejeta, haletants, bec à bec, un rire lui passa dans les sueurs de la face ; à brûle-pourpoint elle lui décocha, cynique :

— Dis, coco.

— Quoi ?

— C’est drôle to d’même, va. V’là mon mari cocu.

Rompu, la nuque lourde, il replongea dans l’oreiller. Mais elle n’avait pas envie de dormir, se roulait contre lui, le tourmentait de questions :

— Chéri ?

— Hé bien ?

— Parole d’honneur que tu viendras m’voir, hein ?

— Parole, oui !

— C’sera bon. On fera des bêtises. Huriaux i n’est quasi pon là ! et des fois tu pourras coucher la nuit. Moi. d’abord, j’ voudrais pas t’quitter. Et toi, dis, chéri ?

Ginginet, impatienté, finit par ne plus lui répondre, le nez tourné