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dies » avec des croquis autour, des portraits. En haut, c’est Boross, un tzigane de Izeged ; en dessous le vieux Bouké, le rival de Racz Palh, le meilleur musicien tzigane de Hongrie ; puis Szabady, un compositeur de génie tout simplement, l’auteur de la marche de Szabady que Massenet a fait connaître à la France en l’orchestrant et la faisant exécuter à l’Opéra. En dessous Zorok Mizoly, un « tschinbaloumiste » merveilleux. Nous devons être cousins, car nous nous ressemblons beaucoup. C’est un Rops idéal ! Il est du reste originaire de Sambov et mon arrière-grand-père venait de la Baïska qui est une province du Sud dont Sambov fait partie. Vous ne pouvez vous imaginer, mon cher Picard, combien pour la première fois de ma vie je me suis senti bien « chez moi » là-bas. C’est l’ancêtre Boleslaw qui revient. »

Puis ce sont les départs pour Monte-Carlo. Avec ses orangers, ses caroubiers, ses lentisques et ses lauriers, la Côte d’azur éternise pour lui une vision de beauté édénique et païenne. « Palmiers, oliviers, roulette et rouleuses, je ne touche ni à l’une, ni aux autres. » Il lui suffit de se griser d’images charmées de femmes et de passages.

Dans l’olivier, le grand arbre sacré de la contrée, presque humain par la forme et voisin des mythes latins, avec ses étreintes de bras et ses attitudes de torses sous lesquels palpitent captifs le rire et le sanglot des fables, il retrouve un peu des métempsychoses de son art, celui-ci non moins fabuleux, empli de conjectures et de transfigurations, comme un mélange de l’ange et de la bête. Il en fait des dessins légers et aériens, où passe l’âme du monde antique. À petits traits subtils de plume, comme en la plus fine pointe sèche, il les fond au brouillard clair des flots. Et voici, par contre, les sombres pinèdes où le chant d’un pipeau de pâtre rythme les mélodieux appels des sirènes. Voici les belles filles courbées et qui ouvrent leurs mannes à la pluie des olives. « Les grandes filles brunes d’Ezzia de la