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art qui avait les apparences de l’art qui enrichit et qui difficilement le faisait vivre. C’est que c’était du grand art, d’exception si vous voulez, mais du très grand art et que l’art courant seul rapporte des profits.

Rops, cependant, aime l’or ; il en a besoin pour sa vie, ses goûts, ses passions, ses modèles, ses déplacements et il est pauvre. Dans un autre âge, avec Van Dyck, il eût cherché la pierre philosophale. Il n’arrive pas toujours, dans le sien, en faisant des chefs-d’œuvre, à payer son terme. Cela restera un des nobles exemples de cette vie d’artiste de n’avoir jamais fait une concession aux difficultés de l’existence.

Il faut y insister : toute une part de son temps se passe à batailler contre la vie et ses déconvenues : il en souffre sans perdre l’illusion et l’entrain. En une destinée à la fois si éclatante et si pleine d’aléas, il a la beauté des grands joueurs. Les déveines, il les supporte, « le sourire aux dents et le bouquet de violettes de Parme à la boutonnière ». Il cache sa vie et ses plaies : sa force de résistance reste toujours jeune.

« Je veux garder jusqu’à ma seconde enfance, écrit-il en 1889 à son ami Liesse, cette précieuse gaîté des anciens jours qui m’a soutenu dans la « Battle of the Life », la bataille de la vie qui est encore à gagner et le sera jusqu’au bout de mes ans, j’espère ! » Lisez encore ses lettres à H. L., l’inconnu connu de la correspondance publiée par Hugues Rebell dans Trois artistes étrangers. Relisez surtout les innombrables fragments donnés par les journaux et les livres.

Il se débat parmi les billets qu’il faut souscrire ou renouveler, les arriérés, les fin-courant et la chasse à l’amateur. « Je travaille depuis le 1er  novembre pour mon échéance de décembre… Si j’arrive à payer ce que je dois, ce sera miracle… » Et quelle philosophie ! « Je ne me plains pas de ces petites misères : elles me font travailler. » Il travaille, en effet : rien que pendant l’août de 1886, il fait trente eaux-fortes et dix dessins ! En 1887, il écrit qu’il a « tant dessiné