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lâmes en hâte. Il nous semblait que la mort là-bas nous appelait. En bas, sur la table, dans la salle à manger, des petits pains chauds fumaient à côté de nos bols de café.

Rops, un peu mystérieusement, comme toujours, nous quitta, et nous poussâmes vers les fonds de Givonne. Pendant trois jours, Verdyen et moi, nous vécûmes parmi des morgues. Et puis la vie reprit son cours : j’écrivis les Charniers qui s’appelèrent d’abord Sedan ; Rops était reparti pour Paris. Quand un jour nous nous rencontrâmes, il me dit :

— Je te montrerai mes croquis. Nous pourrions faire quelque chose ensemble.

Des années se passèrent et il n’oubliait pas son idée.

— Il faudra que nous pensions à faire ensemble une édition illustrée de ton bouquin. Mes carnets sont remplis.

Jamais je ne vis les croquis. Existèrent-ils seulement ? Personne ne croyait à ce qu’il disait comme ce grand artiste d’une invention si persuasive qu’on ne pouvait se défendre d’y croire comme lui.

Le livre ne se fit donc pas, non plus qu’un autre dont il me parla en 1876, et qu’il eût voulu que nous fissions ensemble : celui-là se fût appelé Félicien Rops, simplement. Pendant quelques mois, il mit un certain zèle à m’envoyer de la documentation graphique. Puis il pensa à autre chose. Moi seul, à travers le temps, gardai le regret du projet délaissé et voici que, trente ans après, grâce à un éditeur sincèrement épris d’art, il m’est donné enfin de réaliser l’idée qui lui tenait au cœur. Mais il n’est plus là pour connaître mes louanges et moi seul y trouve du plaisir.

La Société enfin s’était constituée, une vraie société à façade décorative, avec une présidence d’honneur illustre, celle de S. A. R. la comtesse de Flandre, artiste elle-même et des plus adroites dans le maniement de la pointe. Le comité de patronage comptait des valeurs mélangées, hommes politiques,