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logis, cheminant quelquefois à une petite distance l’un de l’autre, à travers la campagne, pour s’épargner la dépense du train.

Dans les deux maisons, une préoccupation unique surnageait à tout le reste : le gain du procès. Pierre, à plusieurs reprises réprimandé à cause de ses absences, enfin avait été congédié de la fabrique ; il s’employait actuellement comme tâcheron dans les fermes ; et la Lalie, toujours si active, mais ravagée par une recrudescence de son ancien mal, des jours entiers rêvassait, les mains veules. Le champ à l’abandon, une vache qui prit la colique, un porc tourné à une graisse mauvaise, ils eussent connu la misère, sans les salaires de Phrasie et de Félicien. Et toute perdue dans une solitude noire, avec l’idée de Michel qui ne la lâchait pas, Joanne, de son côté, économisait le feu et la chandelle, laissant sa maison se détraquer et sa terre déchoir en jachère, en une lésine chaque jour plus grande, pour faire face aux demandes d’argent de son avoué et de son avocat. Ceux des Colasse avaient