Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour moi. Ta petite gorge ne s’était-elle pas encore levée ? Oui, dis-le moi sans honte. » Mon cœur sonnait comme le pas de la mort dans l’escalier. « La troisième nuit, ami, elle s’est levée pour toi et je l’ai prise entre mes doigts. »

Adorable Ève ! comme innocemment tu me fis cet aveu sans croire que tu avais péché ! Si cependant, voulant éprouver une autre fille à la ville, je lui avais demandé cela, elle eût détourné la tête en riant ; et toutes l’ont fait clandestinement à l’heure du frisson de la chair et elles en gardent le secret.

Mon cœur qui avait entendu venir la mort aussitôt fut divinement délivré. Ma joie monta comme la rumeur d’une ruche après la pluie. Et je baisais follement ses tendres mamelles. Je leur parlais comme à des parts de son amour, comme à de petites sœurs enfants qu’elle eût déléguées vers mes soifs. Quoi ! toi et toi et vous toutes deux ensemble ! Èves jumelles et palpitantes de mon Ève ! Un vertige inouï passa, la grande onde de vie ; et encore une fois je croyais ne l’avoir point