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blessé ! J’avais tourné autour de la maison en poussant d’aigres cris. Je l’appelais encore Janille alors et Adam n’avait pas franchi la barrière. Mon Dieu ! comme Ève et moi à présent riions de cette folie ! Un jour, elle me dit franchement : « Tu étais fort et je t’ai désiré. Pourquoi ne m’as-tu pas prise sitôt que je t’ai connu ? » Ce fut le cri innocent de la chair ; elle avait parlé selon la nature. Mais, dans le moment, j’oubliai qu’une vierge saine n’est pas différente d’un ardent jeune homme. La vie fait une blessure pareille au cœur de la femelle nubile et au flanc bondissant de l’éphèbe. Je fus donc outré de fureur et de jalousie comme si, l’entendant exprimer avec simplicité le vœu impérieux, j’avais lieu de craindre qu’un passant plus matinal ne fût venu avant moi. « Ève ! Ève ! dis-le moi sincèrement : un autre n’a-t-il pas pris tes petits seins dans les mains ? » Elle me regarda avec étonnement : « Je t’assure, je ne sais pas ce que tu veux dire. » Moi, devant son œil candide, je fus pris alors d’une honte. Je lui dis presque cauteleusement : « N’aie pas de secret