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J’allais donc par la futaie avec sa vie frémissante dans mes bras ; et ensuite je la couchais sur les mousses. Elle me disait : « Me trouves-tu belle ? » Sa robe tranquillement glissait et elle était nue sans péché sous mes baisers. Les feuillages ondulaient en frissons d’argent à ses épaules. Une tunique aux dessins de folioles et de ramures se déroulait de ses gestes. La forêt amoureusement annelait de bagues et de colliers sa grâce svelte de jeune bouleau. Moi avec extase je contemplais cette fleur de la terre dans l’air diaphane. J’étais un homme aveugle qui entre dans une église et qui tout à coup ouvre les yeux et voit les sublimes prodiges. Chaque grain de ta chair vermeille, Beauté ! chaque papille du tissu soyeux de ta chair est comme la laitance des races, dans une image d’éternité où s’abrègent les courbes harmonieuses de l’univers. Tu étais là avec ton corps nu couleur de miel sous les arbres et je regardais couler l’ombre aux fossettes de ta chair comme une pluie de sable fin, comme un ruissellement léger de cendre azurée. Au lim-