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maine destinée. Du geste étonné et ravi de la première femme, elle m’apportait ses jeunes mamelles. « Vois comme elles sont rondes. Ne crois-tu pas, doux ami, que déjà l’enfant est venu ? » C’était l’amour, petite Ève, qui faisait lever tes seins, ce n’était encore que l’amour. « Non, je t’assure, disait-elle, c’est autre chose. Je suis lasse. À peine je puis détacher mes pas de la terre. » Alors, moi, je la prenais sous le cou et les jarrets ; elle nouait ses mains autour de ma nuque et je m’en allais avec le poids léger de sa vie dans mes bras. Elle sentait la sève et le matin ; ses cheveux avaient l’odeur de la mûre et me grisaient ; et une clarté comme une goutte d’eau tremblotait au fond de sa prunelle. D’une petite voix câline elle me disait : « Tu es fort et roux comme le taureau ! » Pourtant, ce n’est pas cela qui mettait à ses yeux la lueur malicieuse d’un rire. Elle pensait : il m’a cédé ; il est soumis et candide comme l’agneau. Je feignais de ne pas voir sa ruse. Je savourais la chaude palpitation de sa vie dans ma poitrine. Et puis tout à coup elle