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est l’apparence de ton âme, mais si ton âme ou ton corps pense ou fait quelque chose qui soit un secret pour ton corps et ton âme, l’harmonie divine est rompue. Je partis donc devant moi, regardant jouer à ma poitrine les ors du jour, comme les plis moelleux d’une tunique. Et à présent mon corps vivait splendidement, les petites soies fines qui le duvetaient frémissaient à l’égal des herbes et des feuilles. Mon sang rouge à ma peau coulait comme les fontaines, bourdonnait d’une vie rythmique de ruche. Et les voix ne cessaient plus de se faire entendre. Dresse le front, va dans ta grâce et ta force. La nature t’a donné une forme belle et noble afin qu’elle te soit une source de joie et d’orgueil. Et cette forme est comme l’allégorie de l’univers. Elle a la courbe du val ; elle est l’assise des monts ; sa toison ondule comme l’ouragan de la forêt ; sa vie écarlate s’égale au bouillonnement des sèves.

J’étais innocent comme la forêt même. Je balbutiais des paroles comme en disent les chênes et les oiseaux. Il vint au bout des branches un loriot qui cessa de siffler et d’au-