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répondis une fois : « C’est à cause du temps de l’amour, Janille. » Et puis, les autres fois, ce fut elle-même, en riant, qui me demanda si c’était toujours le temps de l’amour. Elle parlait de cela comme une enfant toute simple et nue d’âme. Elle avait fermé des yeux après l’agonie : elle connaissait la mort et elle ne savait rien de la vie. Un grand silence dormait dans son jeune corps comme le matin dans les bois. Je ne croyais plus que quelqu’un était venu avant moi.

Je vais dire une chose singulière. Celui qui, étant à écouter le vent et à regarder un fleuve loin des hommes, dans une grande solitude, a pleuré de sentir entre le mystère et lui s’interposer sa chair lourde et toute l’épaisseur de cette chair, celui-là trouvera ici un sens profond selon mon cœur. Un jour j’allai en forêt. C’était le matin. Le loriot, le verdier, la fauvette chantaient. Jamais je n’avais aspiré avec autant de joie la senteur vanillée des pins ni l’odeur épicée des chèvrefeuilles ni le puissant arôme safrané des chênes encore humides de nuit. Il montait