Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces à la fois de cette forêt. Mon Dieu ! un autre homme peut-être l’eût dit ainsi. Mais moi l’ayant dit, c’eût été entre nous comme si, dans un accès de démence, j’avais déchiré sa robe et qu’elle se fût vue nue avec honte devant mes yeux forcenés… Je levai les épaules, et marchant par la chambre, je dis doucement : « Un homme comme moi peut quelquefois paraître singulier à une jeune fille comme toi sans que ce soit ta faute ou la mienne. » Le vent clair du matin passa, elle se mit à rire, et maintenant elle m’offrait une écuelle d’écorce comble de cerises fraîches. « Moi aussi, fit-elle, m’étais levée à l’aube pour les cueillir. » Janille ! innocente Janille ! assieds-toi là près de moi, partage ces fruits acides et sucrés dont le jus fit tes mains violettes. J’ai écouté la leçon de ton frais rire ingénu, je ne suis plus l’homme qui voulut toucher avec des doigts en folie les bouts droits de ta gorge.