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tait comme une porte descellée au vent. Un feu me consumait les reins. Oh ! si près, si près ! rien qu’une porte entre cette petite chair nuptiale et ma vieille folie ! Et à pas subreptices comme un larron me couler dans l’air assourdi de pluie ! Avec des mains tâtonnantes et onctueuses palper la place où lèvent ses petits seins ! Une fois, au temps de la chasse, la fille du fermier dormait dans la soupente. Je traversai la chambre des parents. J’entrai dans le lit de cette beauté aduste et noire ; et elle n’avait pas crié ; je la possédai d’une ardeur de viol jusqu’au matin. Petite Janille, dors-tu seulement ? Est-ce que toi aussi tu ne languis pas après mon désir sauvage ? Tu as écarté les genoux, tu écoutes et tu attends l’homme qui stupidement dormait de l’autre côté de la porte.

Je me levai donc, je me glissai dans le bruissement doux de la pluie, et la porte joignait mal. J’entendis une vie légère qui mollement respirait dans l’ombre, un souffle égal et lent et prolongé comme, au lever de la lune, le vent de proche en proche montant du bois.