Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des mains d’aïeuls ouvertes sur l’humanité primitive et ils étaient les piliers sur lesquels s’appuie la courbe des météores. Nous étions près de leur cœur sonore, humbles et confiants : ils avaient vu les anciens soleils et ils étaient comme des vieillards debout et qui regardent venir les temps par les avenues. Moi je n’avais plus jeté la cognée dans leurs fibres vertes. Il y a toujours assez de bois châblé pour le feu et pour les travaux de la maison.

Oh ! à la longue, à force de vivre dans le mystère, nous possédâmes une âme si déliée, si différente de celle que nous avions eue au trefois ! Nous n’émettions plus en parlant les mêmes euphonies. À présent nous parlions avec une autre voix, oui, la nuance d’une autre voix comme la rumeur de la forêt diffère du bruit de la tuyère dans la forge. Nos paroles aussi prirent un sens spécial : nous n’aurions pas tout de suite compris les gens qui seraient arrivés vers nous des villes. La bouche là-bas moud du vent : une parole fait le bruit d’une chose qui tombe dans un puits