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avec des mains innocentes. Héli menait l’âne aux labours. Il courbait sous ses poings les cornes du taureau jusqu’à terre. Celui-là était le jeune pâtre héroïque promis aux travaux et il savait lire dans les constellations. Abel d’une main agile faisait courir l’outil, réfléchi et grave. Il m’aidait à forger le fer, à clouer les charpentes, à consolider le toit ; et à chaque enfant j’avais agrandi un peu la maison ; à présent elle couvrait un large espace, avec ses palaisseaux vermeils sous les chaumes moussus du comble. Stella, la troisième, connaissait les dictames, versée dans la science des simples. Sylvan, subtil musicien, imitait en sifflant la chanson de l’alouette et du loriot ; sa mélodie accompagnait le rythme ailé des danses ; et Floriane frappait la mesure sur une écorce creuse, sonore comme le tambourin. Cependant Églante, venue trois ans après Floriane, avait la garde des chèvres et des brebis ; elle les conduisait paître en chantant des chants lents qui nous faisaient pleurer mollement. Personne ne les lui avait appris et elle avait la voix claire du ruisseau.